Comment faire fructifier durablement les relations entre fournisseurs et clients ?

30/07/18

Il est beaucoup plus compliqué pour une entreprise d’acquérir de nouveaux clients que de fidéliser les clients acquis. Si les nouvelles technologies de l’information accentuent cette réalité dans le B to B et offrent aux services commerciaux de puissants outils de fidélisation, le facteur humain reste décisif. Mais dans tous les cas, la tendance est désormais à l’anticipation de besoins.

Fidélisation versus acquisition

Les études marketing montrent abondamment que la fidélisation des clients acquis prime sur l’acquisition de nouveaux clients, certaines d’entre elles estimant que les dépenses consacrées à l’acquisition d’un client peuvent être cinq fois supérieures à celles consacrées à la rétention (1). Mais la fidélisation d’un client présente un autre avantage de taille : la propension du client acquis à dépenser plus qu’un nouveau client. La probabilité de vendre un produit à un client acquis est comprise entre 60% et 70%, tandis qu’appliquée à un prospect, elle ne dépassera pas les 20%. Une étude du Journal of Management Studies montre qu’augmenter la rétention de clients acquis de 5% peut accroître les profits de 25% à 95%. De prime abord, ce chiffre peut sembler exagéré, mais il rend compte en réalité de deux aspects distincts : non seulement un client satisfait et choyé sera plus à même d’être loyal, mais ce client deviendra lui-même prescripteur et parlera de vous en termes élogieux, ce qui aura pour effet de séduire de potentiels prospects… Et cela vaut autant dans le BtoB que dans le BtoC.

Mais dans le BtoB, aujourd’hui, les technologies de l’information bouleversent un peu plus la relation entre le fournisseur et son client grâce à de nouveaux outils qui modifient les enjeux de la relation client (2). Exemple, les services d’assistance en ligne très sophistiqués qui ont été mis en place chez Schneider Electric dès 2014 : les experts du plateau technique « automatisme industriels » sont capables d’effectuer en quelques minutes des exercices de simulation permettant de résoudre le problème rencontré par un industriel. Autre exemple, chez Elf Lubrifiants, les téléopérateurs des centres d’appels prennent en charge la quasi-totalité des opérations administratives à faible valeur ajoutée tandis que les délégués commerciaux – dont les effectifs ont tout de même fondu de 20% – se concentrent désormais sur l’essentiel, à savoir : la stratégie et les axes de progrès à proposer aux clients.

Evidence désormais partagée, la relation client n’est plus seulement l’affaire des commerciaux. Même si l’enjeu principal de la relation client est toujours d’acquérir une véritable connaissance du client (de ses besoins, de ses attentes et de son niveau de satisfaction), les nouveaux outils font émerger d’autres enjeux : être capable de partager avec toute l’entreprise les informations collectées sur les clients, de fidéliser les clients selon leurs profils, de privilégier une relation pérenne au détriment d’une politique de chiffre d’affaires à court terme et d’offrir des services personnalisés. Ainsi, en envoyant pendant une semaine au sein d’une Business School à Harvard et à Shanghai les cadres de ses revendeurs, l’opérateur Bouygues Telecom est sorti de la simple relation commerciale pour apporter une véritable plus-value à sa relation client, avec en ligne de mire une politique de fidélisation plus agressive dans un secteur où le consommateur est particulièrement volage (3). Mais l’idéal reste de rendre « accroc » le client, par positionnement marketing ou par nécessités techniques. Ce qui est valable dans l’industrie du luxe ou de la mode l’est aussi dans l’industrie tout court : faire de la confiance et de la qualité de la relation client le premier critère de choix d’un prestataire. Mais cette dépendance suppose désormais un pré requis : l’anticipation des besoins du client.

De la fidélité à la dépendance : anticiper

Anticiper, ce n’est pas deviner ou supposer ; anticiper suppose dans bien des cas de simplement connaitre son produit, ses usages et ses limites. Dans certains secteurs de l’industrie, cela porte un nom qui n’a rien d’une nouveauté : la maintenance. Mais une tendance émerge dans les secteurs industriels où la gestion des contrats de maintenance est stratégique : il s’agit d’exploiter au mieux la mine d’information dont disposent les techniciens de maintenance. « En contact direct avec le client, ils jouent un rôle majeur dans le développement d’une politique de services », rappelle le directeur du marketing stratégique des « solutions municipalités » de Schlumberger. Suivis à la trace via leurs téléphones portables et leurs ordinateurs de poche, ils n’ont plus guère le temps de musarder entre deux interventions. On leur demande de laisser des traces écrites de leur travail, réintégrées illico presto dans le système d’information de l’entreprise. Autant de procédures nouvelles qui aident à satisfaire et garder le client à travers une sorte de « marketing par les réclamations ».

Dans le secteur de l’installation et de la maintenance de cuisines professionnelles pour les entreprises et les administrations, le spécialiste Quietalis a fait un constat similaire et mise également sur ses techniciens. L’objectif est de faire la différence par rapport à la concurrence en optimisant la qualité de la relation client. Qu’il s’agisse de concevoir, d’installer, d’équiper et de mettre en service du matériel neuf, ou d’accompagner les clients via des contrats d’entretien et de maintenance préventive ou curative des équipements, le sur-mesure y est en effet systématique, les clients étant tous très différents – restaurants, chaînes de fast food, établissements publics ou privés de santé ou d’éducation, centres de loisirs, centres pénitentiaires, EPAHD, etc. « Nos techniciens sont nos ambassadeurs auprès de nos clients, puisqu’ils sont au quotidien la principale interface avec le client. Ils sont au cœur du dispositif, et doivent être en phase avec les préoccupations des clients. Ils sont également la première source d’information pour l’entreprise. Il faut donc les écouter attentivement, car ils nous remontent la vérité du terrain », souligne Vincent Stellian, président du Groupe Quietalis (4). Cela est si vrai que les conditions proposées en matière de maintenance préventive comptent désormais beaucoup dans la vente initiale des équipements : « chaque offre que nous remettons est précédée d’une visite approfondie, permettant d’identifier la qualité du matériel en place et le mode opératoire propre à chaque client. C’est cette étude fouillée qui conditionnera le fonctionnement de l’installation durant toute la période de son utilisation », précise par ailleurs le dirigeant de Quietalis (5).

Le BtoC n’est pas en reste. Un nouvel eldorado est en train de voir le jour dans le secteur automobile avec la « maintenance connectée ». Selon une étude de Ptolemus Consulting, le chiffre d’affaires global que généreront en 2020 les dispositifs connectés de diagnostic à distance pour les professionnels de l’automobile atteindra les 2,5 milliards de dollars (6). De quoi creuser l’appétit des entreprises du secteur : « La connectivité permet de cibler les clients dont le véhicule a besoin de maintenance et de les contacter directement. Les constructeurs et les acteurs de l’après-vente se disputent aujourd’hui ce marché en créant des abonnements qui offrent la possibilité de mieux suivre l’état du véhicule et d’anticiper voire d’éviter les réparations grâce aux informations récupérées à distance », analyse Matthieu Noël, consultant automobile de Ptolemus Consulting. « Les constructeurs ont une longueur d’avance puisqu’ils peuvent facilement récolter les données de tous leurs véhicules connectés pour proposer directement à leurs clients un rendez-vous dans leur propre réseau et ainsi éviter qu’ils aillent chez des indépendants », poursuit-il. Une manière de maintenir une clientèle « captive ».

De toute évidence, la dimension de prévention et l’engagement à long terme vont de plus en plus prévaloir dans la relation client. Parce que les deux supposent de devancer les problématiques et d’anticiper sur les besoins, le fournisseur comme le client vont sans aucun doute y trouver rapidement leur compte.